LE JARDIN D’UNE AMITIE
Dialogue intérieur
Moi
Petite sœur de toujours
De maintenant et de jamais
Tu connais déjà
Le secret caché au cœur
De la mémoire cellulaire.
Tu nous prends par la main
Sur ces chemins qui sortent du temps
Et que nous ne pouvons pas
Imaginer en cette vie.
Elle
Rien n’est changé
Si ce n’est que tu me vois
A travers d’autres yeux,
Ceux qui ne construisent plus de limites.
Moi
Tu m’accompagnes si intimement
Que je ne peux rien concevoir d’autre
Que ta présence attentive
Toujours prête à deviner
La moindre aspiration de ceux qui t’entourent,
Toujours prête à les combler de tes dons.
Elle
Là où je suis tous les jardins de mes rêves
Se profilent et dansent au rythme de mon cœur.
Je m’étonne de ne plus être enfermée
En cette matière dense de la terre.
Je m’étonne " d’être ", tout simplement,
Avec ou sans forme, selon les fantaisies
Ou les mouvements de mon âme.
Je me vois vivre en vous, mais aussi
En cette flamme nouvelle qui me pousse
Toujours plus loin vers une œuvre idéale,
Un soleil qui dessine la perfection,
Celle que je cherchais sur la terre.
En ce lieu de liberté
Je peux l’atteindre sans effort,
Mais je réinvente le temps
Pour que la perception se prolonge et s’installe,
Pour quelle compose une œuvre,
Un tableau qui se construit patiemment,
Un tableau miroitant de pierres et de fantaisie,
Pétillant de verve et d’inventions.
Je rattrape ainsi dans la durée retrouvée
Le charme, l’humour et la joie de créer.
Moi
Tu es là si près de moi, si pareille à toi-même
Et cependant je ne peux te toucher
Excepté par le souvenir ou la pensée.
Nous étions dans cette vie, rarement côte à côte
Et pourtant jamais séparées.
Elle
Je vis en toi, tu vis en moi,
Aucune croyance ne peut nous séparer.
Ici ou là-bas sur la terre
Quelle est la différence ?
L’essence de nous-même est un parfum de partout.
Il se mélange et se reproduit, toujours nouveau,
Toujours pareil, la forme change,
Mais l’amour se perpétue et jamais ne s’altère.
Moi
Peux-tu me décrire le monde
Qui t’accueille au-delà du temps ?
Es-tu vivante quelque part
Ailleurs que dans nos cœurs ?
Tu me parles tranquillement
Comme si je me parlais à moi-même.
Elle
Pareille à la rose de ton jardin
Je te parle à travers ton Amour,
A travers la mémoire décantée
De toute une vie d’amitié.
Je parle à chacun de mes proches
Selon la couleur qui s’accorde à son âme.
Parfois c’est encore pour eux, la montée
D’un fleuve de tristesse qui s’égraine
En perles chaudes, en gouttes argentées.
Mais l’art et le temps y puisent leur substance,
Les prolongent et les transfigurent.
Mon langage est si léger
Qu’il se transforme souvent
En source inspirée pour l’œuvre de vie
Dans le cœur de mes enfants,
Dans le cœur de celui
Qui m’a portée sans faillir
Jusqu’aux bords étincelants
De cet autre univers, de cette autre conscience.
Ici je découvre la force créatrice
Naissant de la pensée.
Cette pensée se réalise à l’instant de sa venue
Car elle n’est pas limitée par le jugement
Comme elle peut l’être sur la terre.
L’image que j’ai de moi-même
Est si tenue que parfois
Je me perds dans les bras de Dieu.
Mais à ceux pour qui ce mot
Ne contient pas de musique, je dirai que je rejoins
La source primordiale ou la pensée créatrice.
Moi
Vue de la terre cette liberté
Allégée de l’espace et du temps
Me semble un univers impossible à cerner.
Elle
C’est l’espace et le temps qui donnent l’illusion
De la forme des choses habitant votre monde.
Lorsque la lumière pénètre l’épaisseur matérielle
Tu fais l’expérience de la liberté,
Celle de l’instant infini dans lequel je me trouve.
En sortant de l’espace et du temps,
Tu casses les barreaux de ta prison,
Tu peux même retrouver la splendeur
D’un monde où la mort est lumière
Avant que ta substance ne s’efface
Au vent rieur qui dissipe l’illusion.
Tu le sais bien puisque je te parle
Et que tu m’entends comme autrefois,
Comme toujours et jamais,
A travers cette amitié qui soude les âmes.
Moi
Est-ce bien toi qui me parle et moi qui t’écoute ?
N’est-ce point un rêve qui m’emmène
En ce dialogue étrange ?
Le silence de l’au-delà, peut-il vraiment
Se dévoiler, autrement que par un voyage imaginaire ?
Elle
Le monde intérieur dans lequel tu t’immerges
Rejoint naturellement le monde où je suis.
L’écoute et la parole y sont jointes.
Elles naissent ensemble et la vision
De cet autre univers est libre d’apparaître
Selon les mouvements de ton inspiration.
La vie, toujours fluide et joyeuse,
Ne connaît pas de frontière,
Lorsque tu ouvres ton cœur à d’autres perceptions.
Ce dialogue est limpide comme l’eau
D’un ruisseau qui descend des collines
Il te montre ce que je suis
En ce " maintenant " de communion.
Je suis la chanson de la vie
Qui jamais ne s’éteint.
La poésie, l’art, la musique
En sont une trace parfumée
Qui ensemence les cœurs et transforme la terre.
Regarde les œuvres qui partout te rappellent
Une réalité ramenée à l’essence
Ou prolongée d’un souffle inconnu
Qui s’accorde et se mélange à ton rêve.
Ecrire ce dialogue c’est entendre ma voix
A l’unisson de la tienne en ce pays sans barrières
Où les mots se libèrent et chantent la joie
De me savoir vivante, car je suis là,
Toujours présente, en chacune de vos cellules.
Moi
Existes-tu séparément ?
Es-tu encore une " personne " qui porte le bonheur
Et la tristesse, l’espoir et l’attente ?
Ou bien es-tu quintessence d’Amour,
Battement de vie qui voyage de monde en monde,
D’étoile en étoile,
Pour chanter l’immense ou le minuscule ?
Elle
Toi-même es-tu séparée ?
Es-tu quelqu’un ?
Ou bien l’inconnaissable transparence du " Un " ?
Je suis tout à la fois, je suis comme toi.
Un regard d’Amour me recrée aussitôt
Dans la forme que le temps et l’espace
Ont laissé dans vos mémoires.
Pourtant ma quintessence navigue librement.
Aucune limite ne se présente à ses pérégrinations.
Je suis partout simultanément.
Moi
La différence est grande.
Elle
Seulement lorsque tu projettes des limitations.
Elles ne sont que des habitudes si bien enracinées
Qu’elles sont devenues des croyances ou des lois.
Laisse donc s’envoler vers l’inconnu
Ta puissance et tes possibilités,
Penche-toi vers l’Esprit qui t ’anime
Et tu verras s’agrandir et se multiplier
Les innombrables visages de la vie.