Poèmes inédits de Marianne Dubois


Le jardin du vide et du plein


Toi sans moi ce n'est pas sauter dans le vide, c'est sauter dans le plein.

Toi sans moi ce n'est pas se déraciner, c'est découvrir l'enracinement total en chaque chose vivante.

Ni peurs, ni menace, chaque chose vivante protège de ce moi illusoire qui intercale son angoisse, mais, au fait, où est-il ? Aurais-je l'audace de son absence ?

Aujourd'hui j'en ai l'audace. Mais qui dit-je ?

Demain n'existe pas. Maintenant est le trésor, la liberté, le rire du Tout en tout. Il n'y a plus personne qui fasse confiance, ni quelque chose ou quelqu'un à qui faire confiance. La confiance EST, dans sa parure de lumière.

En ce jour de noces, l'Amour en fête éclate au grand soleil. Ton NOM a disparu afin que tous les noms puissent te convenir.

Le moi se perd et se transforme au-delà de tous les noms, au-delà de tous les chemins, de tous les sommets et de toutes les montagnes.

Ce moi tant décrié, c'était donc Toi. L'aimer c'était te reconnaître, le prendre en son coeur c'était éclore et t'accepter. Merci pour les yeux qui s'ouvrent, la beauté, la vie.

Le moi, l'ego, la division c'est encore TOI dans la séparation de toi-même ou plutôt dans cette illusion de séparation.

Rien à comprendre : se laisser agir à la racine.

Un pont sur une rivière. De l'autre côté la naissance, la vision. Rien à comprendre : traverser.

En me jetant dans le plein, en remplaçant le mot vide par le mot plein et en vivant ce plongeon, la peur et l'anxiété disparaissent. Le mot "vide" était perçu comme une condition, un il faut, et une peur de la folie.

Il ne s'agit plus de l'inconnu, ni même du connu. C'est le plongeon dans la plus merveilleuse, la plus effarante normalité. Plus de fumée, l'écran s'évanouit et la vie toute entière se rassemble pour que vibre librement une de ses parcelles. Vivre sans je, vivre TOI, vivre tout court, quelle étrange aventure, et pourtant quoi de plus naturel ?

En passant par le "plein" les noces peuvent s'accomplir dans la matière et la matière enfin brille de son autre visage, celui de la lumière. Mais ensuite le mot plein et le mot vide ne sont plus séparés. Ils passent au-delà de leur signification apparente dans un monde où le sens de l'un se confond avec celui de l'autre.

La puissance d'un mot devient parfois la clef, la serrure et la porte elle-même afin que disparaissent la clef, la serrure, la porte et l'espace de leurs existences. A présent ce n'est pas moi qui reviens en ma demeure, mais TOI qui te retrouves dans le rire de l'Unité car la séparation moi-TOI n'existe pas, ni au niveau de l'âme, ni au niveau de ce corps-matière.

Vivre sans je c'est vivre en même temps "je - jeu - joie" dans l'épanouissement total. Ce qui revient à dire que la disparition de "je" comporte aussi la naissance infinie d'un "je" transfiguré qui n'est autre que TOI.

Tu te crées tout entier en je et tu joues avec ta création de même que ta création joue à recréer avec ou sans image, avec ou sans chemin ton Unité Universelle.