Poèmes inédits de Marianne Dubois


Les jardins de l'inspiration


L'inspiration se cueille partout, cachée sous la grisaille au détour du sentier. Elle se dissimule au pied du rosier, au seuil de la maison, ou dans l'éclat d'un perce-neige, petit clin d'œil, précurseur malicieux d'un printemps qui se cherche.

Plaisir du mot, plaisir d'écrire, de prendre une feuille de papier sans rien savoir de l'aventure qui se prépare, voilà le scintillement constant et secret où la vie exulte avec le plus d'ardeur et de précision.

Retrouvailles d'amour libérateur et clairvoyant, retrouvailles nécessaires à chaque instant, les mots au-delà de leur sens quotidien répandent parfois le silence intérieur qui guérit, apaise et illumine.

Ils choisissent la route à prendre et tant mieux s'ils s'emballent comme les chevaux fous d'un souffle de Dieu. Je les embrasse en confiance, ils sont ce que je suis lorsque je ne suis plus. Ils répandent au-delà d'eux-mêmes ce parfum d'infini dont rien ne peut cerner la nature.

Je me laisse entraîner toujours plus loin dans ce voyage vers un "je ne sais quoi" qui se perd dans les brumes inconnues d'une réalité à venir. Pourtant les mots sont déjà ce "je ne sais quoi", cet élixir qui enivre et transforme la vie en jeu, en joie, en étincellement de rire. Comme des boutons prometteurs de floraisons étranges ils peuvent remplir maintenant les jardins de nos aspirations.

Des sens nouveaux s'éveillent avec l'intuition d'un autre monde. Le ferment divin retrouve le corps lorsqu'il n'est plus séparé de l'âme et de l'esprit. Comme une graine envolée dans le vent joyeux de tous les possibles, j'observe le dessin d'une phrase, enfant aérien de ma plume en liberté. Rien ne l'arrête, elle peut danser enfin sa propre danse et oublier ses béquilles. Plus de mémoire, plus de modèle, plus de chemin.

Sans but et sans contrôle elle est délivrée de la forme, du résultat et du temps. La musique des étoiles raisonne partout, pénétrante et rieuse et la plume en reçoit la tendre vibration.

Étranger, mon frère, aurais-je quelque chose à te montrer que tu n'aies déjà découvert ? Je ne vois rien excepté peut-être l'immense joie qui se cache au secret de ton coeur. Si tu ne l'as rencontrée, tourne ton regard de l'autre côté pour atterrir sur la rive intérieure, là où tous les chemins disparaissent dans l'éclatement silencieux.

Si tu peux contempler le trésor qui n'est autre que toi-même, tu verras qu'il contient l'univers en même temps qu'il ne contient rien et cette connaissance intime sera pour toi merveille et délivrance.

Quand tes mains ouvertes accueillent la vie sans rien retenir tu plonges démesurément dans la Source, dans l'espace illimité de cet autre toi-même, dans le son créateur qui s'élance et se multiplie, dans le rire infini qui enfante les mondes et le chant de l'univers.